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Histoire des Arts

LE COMPOSITEUR

György LIGETI

compositeur roumano-hongrois naturalisé autrichien,
né le 28 mai 1923 et mort le 12 juin 2006 à Vienne.

« Je m’imagine la musique comme quelque chose de très loin dans l’espace, qui existe depuis toujours, et qui existera toujours, et dont nous n’entendons qu’un petit fragment...»

György LIGETI

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György LIGETI (1923 - 2006)

Ligeti est né en 1923 en Transylvanie (Roumanie), dans une famille aux origines hongroises et juives. Il souffre des discriminations propres de l'époque (d'abord en tant que hongrois en Roumanie et plus tard en tant que juif pendant la 2nde Guerre Mondiale). Or il réussit à faire ses premieres années d'études musicales au conservatoire de Cluj. À la fin de la guerre, pendant laquelle la moitié de sa famille décède dans des camps de concentration, il part à Budapest pour suivre des études de composition. Il y écrira ses premières œuvres, très influencées par le style de Bartok (exemple : Le Quatuor à cordes n°1).

Ligeti n'avait pas connu la musique qui avait été composée en Europe après Bartok et Stravinsky. De plus en plus étouffé par le totalitarisme communiste, qui empêchait toute œuvre "moderne" d'être jouée en concert, Ligeti établi contact avec Karlheinz STOCKHAUSEN (1928-2007) et Herbert EIMERT (1897-1972) en leur demandant des informations sur la musique qui se faisait en Europe de l'Ouest. Juste au moment de l'arrivée de partitions et enregistrements de musiques électroniques aux mains de Ligeti, la Révolution de 1956 éclate à Budapest et le compositeur fuit la Hongrie pour arriver à Vienne. Il est ensuite reçu par STOCKHAUSEN et Eimert, qui lui donneront la possibilité de travailler dans le Studio de musique électronique de Cologne, ainsi qu'une bourse qui lui permettra de survivre.

Son langage musical

Avant son départ de Budapest, Ligeti avait déjà commencé ses premières expériences qui aboutiraient à la naissance de son nouveau style. Refusant sa condition de successeur de Bartok, il commençait à songer à une musique faite de blocs statiques, où la mélodie, l'harmonie et le rythme n'existeraient plus. Or comme il dira vingt ans après, c'est grâce au travail effectué dans le Studio de Cologne qu'il a pu trouver les moyens d'écriture nécessaires pour créer ce qu'il appellerait par la suite micropolyphonie.

Au moment de son arrivée à Cologne, Ligeti découvre le sérialisme intégral, qui était à l'époque dominant en Allemagne. Il ne tarde pas à contester un courant esthétique qu'il trouve écarté de ses principes. Le sérialisme, inspiré à la base de théories mathématiques sur l'organisation de l'univers, était devenu « un système de combinatoire qui ne prévoit guère le résultat sonore ». Ligeti décide alors de chercher à construire des images sonores inspirées de phénomènes naturels qui l'intéressent. Ainsi, ses travaux au Studio de Cologne seront centrés sur la perception acoustique humaine.

Lʼune des découvertes principales pour le développement de son langage est le seuil d'estompement dans la perception auditive. Lʼoreille humaine est capable de différencier des événements sonores distincts jusqu'à 1/20 de seconde. Si l'on entend des sons qui se succèdent à une vitesse supérieure, on perçoit une "texture" statique.

  • C'est ce qui arrive lorsqu'on entend la pluie approcher : d'abord on écoute les gouttes qui tombent une à une, et au fur et à mesure que la fréquence des gouttes augmente, on distingue de moins en moins ces gouttes séparément. Une fois la pluie, on entend plus qu'une "texture" sonore.
  • Ceci ressemble à ce qui arrive lorsqu'on regarde une roue tourner. À une vitesse lente on voit le mouvement circulaire des rayons, or au fur et à mesure que la rotation accélère, on pourra dire que la roue ne bouge plus.

La texture sonore va devenir un élément récurrent dans le langage de Ligeti, de même que le passage entre texture et événement sonore distinct. Pour construire ces bloques statiques et ces transitions, le compositeur superpose un nombre élevé de couches sonores pour créer un tissu épais qu'il manipule selon l'intention musicale qu'il souhaite produire. Par le biais de ces manipulations, les textures peuvent évoluer en terme de hauteur, timbre et dynamique, créant ainsi des transitions continues.

L'ŒUVRE

ARTIKULATION

György LIGETI

« à définir... »

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La musique électronique

En Allemagne existait depuis les années 1950 le Studio für elektronische Musik des Westdeuchen Rundfunks Köln (Studio de musique électronique de la Radio Ouest-allemande de Cologne) dans lequel des expériences de musique purement électronique ont vu le jour: György LIGETI (1923-2006) écrit Glissandi (1957) et Artikulation dont la première audition eut lieu le 25 mars 1958, Karlheinz STOCKHAUSEN (1928-2007) écrit Kontakte en 1960. Ces expériences resteront sans lendemain pour chacun de ces deux compositeurs. Ligeti dira sur la musique électronique, découverte notamment dans l'œuvre de Pierre SCHAEFFER (1910-1995) :

« Je suis un peu déçu […] par les résutats acoustiques de ce que l'on peut faire dans un studio électronique. Il me semble que le résultat sonore est amoindri par la transmission par haut-parleur. Peu importe ce qui est produit […], le son est nivelé par haut-parleur et il me paraît "poli" » - Musiciens de notre temps, Collectif, Editions Plume.

Artikulation est une musique électronique, c’est à dire que tous les sons sont générés par un ordinateur, contrairement aux sons acoustiques. C'est une révolution dans l'interprétation musicale car à aucun moment n'intervient l'homme dans l’exécution de l’œuvre ! En 1958, la composition de Artikulation est un vrai travail d'orfèvre, Ligeti usait d'une technologie informatique rudimentaire comparée à celle d'aujourd'hui.

  • L’œuvre est enregitrée sur des bandes magnétiques qui ont été découpées, collées, redécoupés et recollées plusieurs fois. Il s'agit d'un montage sonore :
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    […] «On produit, grâce à un générateur de courant alternatif, des sons purs en formes d’oscillations sinusoïdales que l’on enregistre séparément sur une bande magnétique, puis on découpe les fragments de cette bande aux différents sons et on les colle dans un ordre choisi. (...) On peut ensuite enregistrer le mélange de deux bandes sur une 3e et ainsi de suite. La vitesse de déroulement de la bande étant très rapide (76 cm par seconde) et les fragments de bande pouvant être très petits (jusqu’à 1 cm), on obtient des sons qui se succèdent à un intervalle de temps inférieur à 1/20 de seconde» - Ligeti, Pierre Michel, Editions Minerve
  • L’absence de notes traditionnelles entraîne un rapport  nouveau à la musique : on ne peut parler ici de mélodie ou d’harmonie. Il n’y a pas d'influence du passé dans cette œuvre.

  • Par son langage haché et proche du parlé, Artikulation annonce Aventures et Nouvelles Aventures. Enfin si Ligeti délaisse assez tôt le genre de musique électronique, il en aura retiré de nombreux enseignements pour l’élaboration de ses œuvres postérieures.

Le musicogramme de WEHINGER

"Artikulation" fait l'objet d'une conception totalement inédite ! Habituellement, une partition sert à interpréter une œuvre. Elle ne peut être interprétée par des musiciens puisqu’elle est figée sur un support inamovible : des bandes magnétiques. Toutes les exécutions de cette œuvre seront donc rigoureusement identiques. L’absence d’interprète, c’est à dire de facteur humain intermédiaire entre le compositeur et l’auditeur implique que tous les paramètres de l’œuvre sont complètement contrôlés par le compositeur. Rien ne lui échappe !

  • Le musicogramme de Rainer Wehinger :
    En 1970, douze ans après la composition de "Artikulation", Rainer WEHINGER en a dessiné une «Hörpartitur» (partition pour l'écoute). Elle est découpée en 20 parties relativement simples et petites en y représentant différents effets sonores sous forme de symboles graphiques spécifiques en couleurs, à l'image d'un musicogramme servant à donner un aperçu du déroulement de l'œuvre. L'analyse sonore de "Artikulation" en est donc simplifiée et facilement lisible, accessible à tous. On peut considérer que le musicogramme de Rainer WEHINGER est une interprétation en soi car elle est une vision personnelle de "Artikulation", une vision parmi d'autre.

  • La durée de l'œuvre
    Les secondes sont indiquées en bas. Elles vont de 0 à 227 soit une durée exacte de 3’47. Elles sont l’unique point de repère temporel objectif de l’œuvre.

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  • L'écoute spaciale
    Ligeti joue avec l’espace et donne l'illusion à l'auditeur de se trouver dans la musique, avec des sons se promenant auteur de lui. On observe au dessus du musicogramme des petits cercles divisés en 4 parties. Chacune de ces parties correspond à chacune des quatre enceintes nécessaires à l’écoute au centre desquelles se trouve l’auditeur (2 sur les côtés , 1 devant, 1 derrière).
  • Position de l'auditeur par rapport aux enceintes
  • Liens entre graphes et sons
    On distingue 4 formes de graphes (A, B, C, D):
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    Ⓐ Le bruit progressif (les peignes)

    Ce graphe représente un bruit à 100% lorsqu’il est noir. Plus il tend vers le jaune, plus il se rapproche d’une sinusoïde parfaite (c’est à dire un son pur, n°6). Les différents paliers correspondent aux filtres :      

           
    • n°6 : son pur (pas de bruit)
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      La 440 hz
                          
    • n°5 : bruit où sont évités les fréquences en dessous de 20Hz
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    • n°4 : bruit où sont évitées les tierces
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    • n°3 : bruit où sont évitées les octaves
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    • n°2 : filtre grossier
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    • n°1 : bruit blanc
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    Ⓑ Spectre harmonique et sous-harmonique

    Le spectre est un mélange de différentes harmoniques ou hauteurs. Il ne représente pas une hauteur unique bien définie.

    • n°7 à 12 : plus on va vers le noir (n°12), plus le spectre devient du bruit, plus il est vert clair (n°7), moins il contient de bruit.

    Ⓒ Impulsions non filtrées

    • n°13 : point noir

    Ⓓ Impulsions filtrées

    Ce sont des sons dont on perçoit le mieux une hauteur déterminée :

           
    • n°14 : grave pour le rouge vif
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    • n°15 : registre medium pour le violet
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    • n°16 : aigu pour le bleu
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Notice explicative d'Artikulation
         

Les sons électroniques

      
 

Il sont utilisés à deux fins :

  • Créer des sensations de textures matérielles (humide, spongieux, fibreux, sec, granuleux, éclats) ou à des lieux (édifices imaginaires, labyrinthes), ou encore des insectes, des apparitions, des disparitions, etc…
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  • Mais surtout à créer une illusion de dialogue entre des personnages imaginaires. On entend des monologues, dialogues et autres disputes polyphoniques, chuchotements, bavardages, sauts d'humeurs impulsives... d'où le nom d' "Artikulation" en référence au langage parlé.

    Une expérience a d’ailleurs été menée, dans laquelle un groupe d’enfants a pu entendre Artikulation. Après leur avoir demandé ce qu’ils avaient entendu, ils répondirent qu’ils avaient entendu «des gens parler»

 
«Ligeti cherche ici à créer une conversation imaginaire (...). Le titre indique qu’un langage artificiel est articulé, lequel rappelle souvent à l’audition le langage parlé. (...) le compositeur réussit à intégrer réellement les sons électroniques dans des monologues, des dialogues et à des disputes à plusieurs voix (...). Tous les éléments du langage parlé sont présents: questions, réponses, voix graves et aiguës, interruptions, intensités fortes ou faibles jusqu’au chuchotement, ainsi que différents caractères expressifs dont l’humour n’est pas le moindre» - Ligeti, Pierre Michel, éditions Minerve

Comment y parvient-il ?

[…] « Ligeti choisit 42 matériaux de base. Opérant (...) par découpage et collage de morceaux de bande magnétique, il adopte ici une technique particulière: les morceaux de bande sont groupés d’après leurs points communs dans différentes boîtes selon un système de répertoire. Le compositeur compare souvent ce système à celui de la caisse qui permet au typographe de regrouper les lettres. Ce principe de sélection s’applique dans Artikulation successivement à trois étapes de la réalisation sonore: aux sons, aux mots et aux phrases (...) L’essentiel pour Ligeti est d’agencer les matériaux de telle sorte qu’apparaissent des sons, des syllabes, des mots, des phrases, des textes, des langages, voire des articulations imaginaires. (...) la préoccupation majeure de Ligeti est le mode de combinaison des matériaux, c’est à dire l’aspect syntaxique. Il adopte deux types principaux de combinaisons: un assemblage homogène (les éléments fusionnent, il n’est pas possible de les distinguer les uns des autres) et un assemblage hétérogène (les éléments se repoussent, il est possible de les distinguer». - Ligeti, Pierre Michel, éditions Minerve

Brève analyse

Sans parler de forme ABA au sens classique, on a quand même un point fort au centre et une introduction et une conclusion chuchotées.

SecondesAnalyse
1 à 30majorité d’impulsions filtrées (ronds)
30 à 70majorité de peignes
70 à 100majorité de spectres harmoniques
100 à 157combinaisons virtuose de tous les éléments juxtaposés
157 à 202combinaisons virtuose de tous les éléments sur plusieurs plans sonores
202 à finles motifs deviennent de plus en plus courts, bruités et le temps de silence entre chaque élément est de plus en plus long

REFERENCES

Monographie

  • NOM Prénom. Titre de l'ouvrage. Nième édition.Tomaison. Ville de l'édition : Editeur, année d'édition, nombre de vol., nombre de pages. (Nom de la collection ; n°dans la collection)

Articles de périodiques

  • NOM Prénom. Titre de l'article. Titre du périodique, année de publication, volume, fascicule,numéro, pagination